Quatrième de couverture :

Photographe aux ambitions artistiques déçues, le narrateur est engagé par une entreprise de meubles pour réaliser des photos de catalogue. Humilié d’être obligé de mettre son talent au service de la consommation de masse, il cherche en vain du répit dans la compagnie de Nathalie, qui pose dans les décors qu’il photographie, ou dans celle d’un autre modèle, une fillette surnommée Miss KitKat, chaperonnée par son horrible mère. Il va se laisser tenter par la voie de la transgression quand un collègue lui proposera de participer au lancement d’un site pornographique à prétentions esthétiques…

Sauver les meubles est un roman de la solitude contemporaine. Le ton caustique du récit, souvent très cru et plein d’humour, décrit notre univers fait de faux-semblants, de clichés, de fantasmes. Dans un tel monde, est-il encore possible d’être libre ?

Extrait :

Je ne bouge pas, ce serait fuir. Dans l’étagère, je prends un livre, le feuillette. Les pages sont blanches.
Stagiaire revient, suivi d’Assistant et des deux modèles enfants. Sauvé ! Je range le livre, quitte le décor.
– OK tout le monde, on se dépêche, on est en retard.
Assistant se sent important quand il est pressé.
Les enfants sont en pyjama : pull à manches longues, pantalon assorti, des vêtements confortables qui encouragent à faire de beaux rêves.
– Sergueï, tes coussins sont très bien, c’est bon.
A contrecoeur, ce dernier abandonne les oreillers. Il a remplacé le vert par l’azur. Avant de quitter la scène, il ajuste le livre que j’ai reposé, comme les chiens qui pissent sur la merde des autres.
– Allez les enfants, on a sommeil, on va se coucher.
Le produit à mettre en avant est un lit superposé, pour les parents qui n’en voulaient qu’un, mais qui, après un accident, sont allés jusqu’au bout. Les lumières baissent pour simuler un début de soirée douillet ; en réalité il est quatorze heures. La pénombre c’est pour vendre la veilleuse en forme de chouette aux yeux fermés et au bec qui sourit. Je déteste ces oiseaux avec leurs yeux trop grands et leur tête qui fait un demi-tour.
Le garçon a monté l’échelle pour s’installer sur le lit du dessus, surmonté d’une toile bleue parsemée de petits points brillants qui imitent les étoiles. Un espace rassurant qui peut même protéger de la chouette, si cette saloperie se réveille. La petite, c’est l’Asiatique au visage rond et à la frange droite.


Genre : Roman

Nombre de pages : 240

Année : 2017

Édition : Gallimard

ISBN : 978-2-07-273038-2


Mon avis :

J’avais vu passer la couverture de son roman sur les réseaux sociaux sans vraiment m’arrêter dessus. Ce n’est donc sans vraiment en connaître la quatrième de couverture que je m’étais arrêtée vers Céline Zufferey au Livre sur les quais. Ayant une passion pour la photographie, j’ai eu envie de découvrir l’histoire qu’elle avait à nous (me) raconter.

J’ai beaucoup aimé le style de son écriture qui va droit au but, sans fioriture. Elle nous fait plonger au centre de l’humain et du monde actuel dans lequel on vit. Rien d’encourageant dans le monde décrit, et même si on croit à une once de changement, la réalité reprend ses droits. Une lecture fluide et facile même si l’attachement aux personnages m’a été difficile.

Le personnage navigue dans ce monde en se rendant compte que sa vie ne lui convient pas, il opère quelques changements dans l’espoir qu’en rentrant dans le moule de la société, il sera heureux. Peut-on être heureux en se fourvoyant ? A vous de le découvrir en lisant « Sauvez les meubles ».

Au final, je n’ai malheureusement pas été emballé par cette lecture, car pour moi il manque « un bout ». C’est vrai, on en veut souvent plus quand on finit un livre, là j’aurais simplement souhaité un « après ». Malgré cela, je pense que « Sauver les meubles » de Céline Zufferey est un roman à lire !


L’avis de Manuela Ackermann-Repond :

Après avoir beaucoup entendu parler de ce roman, je me suis plongée entre ses pages avec délectation.

Un roman hyper réaliste, très contemporain, des personnages campés, plausibles même si parfois un peu légers. Un ton moderne, une fluidité de l’écriture, les mots au service du texte. Le style est précis, ciselé, le travail d’écriture est palpable mais sans lourdeur.

Et puis les chapitres se délitent, l’écriture se raccourcit, à l’image de l’histoire, la vie du protagoniste qui s’effiloche, il s’englue dans son idéal d’artiste et dans son spleen. Et un léger malaise à la lecture en découvrant ce cynisme ; le bonheur et le couple semblent marqués d’obsolescence programmée sous les mots de l’auteure. Une fable d’aujourd’hui, sans concession sur nos frères humains et une nouvelle génération, personnifiée par la jeune Miss KitKat, déjà résignée face à la marchandisation des êtres comme des choses.

Un excellent moment de lecture toutefois grâce à la plume exigeante de Céline Zufferey, je vous le recommande !


Il y a longtemps que je souhaitais créer une rubrique : « Avis invité ». Je tiens à remercier Manuela de l’avoir inaugurée.