J’ai eu l’honneur et surtout beaucoup de plaisir à passer un merveilleux moment avec Cali Keys au Salon du livre de Genève. On a papoté, papoté (enfin surtout elle) et il m’a fallu du temps pour mettre par écrit notre échange oral. J’ai rencontré une auteure passionnée par l’écriture, vous allez me dire c’est mieux pour une écrivaine, mais passer un moment avec elle est vraiment captivant !

Bouquiner : Qui es-tu et comment en es-tu arrivée à l’écriture ?

Cali Keys : Vague question… Je m’appelle Cali, j’adore écrire évidemment. J’ai toujours adoré le français avant même de savoir que j’allais écrire des livres. Quand j’étais petite, je voulais être prof de français. Je lisais beaucoup. J’écrivais des journaux intimes, pathétiquement drôles quand on les relit plus tard. Après j’ai voulu être journalise de presse écrite, je me disais que c’était la seule marnière pour avoir un lien avec l’écriture et en faire un métier.

J’ai fait des études de journalisme, j’ai travaillé dans des journaux suisses romands. A l’université, j’avais avec une copine, une chronique dans la liberté : « Venus appelle mars » . Le but était d’expliquer des trucs de filles aux garçons. Genre pourquoi on va aux toilettes à deux ? C’était une écriture où l’on pouvait rigoler, qui était moins sur le factuel.

J’ai découvert par la suite que le journalisme régional manquait de créativité, je ne m’étais pas rendu compte que la presse c’était passer une information par l’écriture. Finalement ce n’était pas vraiment ce que je cherchais. Le problème quand j’ai découvert cela, c’est que je savais plus ce que je voulais faire de ma vie. J’avais construit toutes mes études et ma vie autour du journalisme.

Je suis partie dans la publicité ! J’ai fait des études en conception rédaction publicitaire à Paris. En parallèle, je me suis inscrite à un atelier d’écriture romanesque. En 2010-2011, j’écrivais mon premier roman, mais j’étais un peu paumée face l’ampleur de l’écriture d’un roman. Jamais je m’étais dit que j’écrirais des livres.

J’ai gagné mon premier concours de nouvelles. J’avais soumis une nouvelle de « chick lit » pour rester un peu dans le « rigolo ». J’ai gagné avec 9 autres auteurs et ça a été ma première publication. Je parle de cette expérience, car pour moi ça a été l’une des plus fortes. Je prenais conscience que ce que je voulais faire c’est écrire des histoires. J’avais trouvé ma voie ! J’ai publié mon premier roman en 2013 chez un éditeur suisse.

B. : Ton roman « You and I » est classé dans «New Adult ». Qu’est-ce que c’est que pour toi le «New Adult » ?

C. K. : C’est une très bonne question, pour moi c’est une distinction faite par les éditeurs. Quand j’écris, je ne choisis pas le genre, j’écris ce que j’ai envie d’écrire. A la base, j’avais commencé ce roman parce que j’étais tombée sur un appel à texte du site WeLoveWords. J’ai découvert à ce moment-là ce que c’est que le « New Adult », des héros de 18-25 ans qui sont à un moment un peu charnière de leur vie (premières expériences). Le New Adult c’est toutes les premières questions sur les points importants de ton chemin de vie, sur tes premières expériences amoureuses, ça traite de ces premières fois en littérature.

B. : Tu n’as donc pas vraiment choisi ce genre de littérature ?

C. K. : Non c’est venu par hasard. J’aime bien ces hasards en littérature. Je fonctionne beaucoup au challenge, je ne vais jamais me dire j’écris dans cette catégorie parce que ça marche, ou parce que tel éditeur en publie. Je me dis toujours quelle histoire j’ai envie d’écrire. Dans « You and I », la seule contrainte qui changeait pour moi c’était de devoir rajeunir mes personnages avec d’autres questionnements.

B. : Le prochain roman sera-t-il dans la même catégorie (même genre) ?

C. K. : Le prochain ne correspondra pas aux codes de la romance (par exemple un happy end). Il va s’appeler « Chipie à tout prix ». C’est un livre que je n’ai pas écrit toute seule, j’ai collaboré avec une youtubeuse suisse qui s’appelle « Dear Caroline ».

B. : Changement d’éditeur pour ce nouveau livre puisque tu passes chez Prisma, pourquoi ?

C. K. : C’est un projet sur lequel on travaille depuis 2 ans. L’édition c’est un peu des rencontres que l’on fait par hasard. Quand j’étais au Livre sur les quais, pour zoner, j’ai fait la connaissance d’une éditrice de chez Prisma. Lors d’un voyage à Paris, nous avons discuté et je lui ai proposé de lire le début. Elle nous a ensuite fait un contrat en n’ayant lu que le début de « Chipie à tout prix ». Il y avait aussi cette envie de sortir le livre en 2019, timing qui correspondait à l’envie de l’éditrice. Un changement donc par opportunité, la rencontre au bon moment.

J’aime bien travailler avec plusieurs éditeurs. Cela permet de voir plusieurs manières de travailler et d’être à des salons différents. Etre publiée chez plusieurs éditeurs permet aussi de sortir plusieurs livres la même année, chose qui ne serait pas possible chez un seul éditeur.

B. : Quelles sont tes habitudes d’écriture ? Est-ce que tu écris dans un endroit précis ? Quel est ton rituel d’écriture ?

C. K. : Je peux écrire partout, avec plein de gens autour, comme avec personne. J’ai une tactique quand je suis chez moi, car comme tout le monde j’aurais tendance à aller dans le frigo, allumer la télé, me balader, répondre au téléphone. Si je suis chez moi, que j’ai le wifi, que je bloque sur une phrase, la première chose que je vais aller faire c’est lire mes e-mails, aller sur Facebook. Ma stratégie donc quand je veux vraiment avancer, c’est d’aller dans un café, je ne demande pas le code wifi et où je me dis tu as une ou deux heures, tu dois écrire 10’000 signes. Tu ne pars pas du café avant d’avoir écrit les 10’000 signes. Maintenant j’ai un balcon chez moi, j’aime bien écrire sur mon balcon.

J’ai appris à considérer l’écriture comme un travail, c’est-à-dire que quand je veux écrire et que je me consacre du temps pour, je me mets devant l’ordi et je me dis qu’il y a forcément quelque chose qui va sortir, ça sera plus facile des fois, moins facile d’autres fois. J’essaie de comparer ça comme quand tu vas à ton boulot, des fois tu n’as pas envie d’y aller, des fois c’est compliqué, mais c’est ton cadre de travail, tu vas le faire. J’essaie de me dire la même chose pour l’écriture.

Quand j’ai commencé, j’écrivais la nuit. Il y avait une autre atmosphère. Je considère maintenant l’écriture comme un travail, je le respecte comme un travail. Le mythe de l’inspiration c’est juste un mythe. Il ne faut pas écrire juste quand on en a envie, sinon je pense que tu mets cinq ans à écrire ton livre.

Ecrit, produit et ensuite tu corrigeras, mais au moins tu auras une matière.

B. As-tu des petites techniques pour te pousser à écrire ?

C. K. : Si je n’ai pas perdu le lien avec le texte (ce qui peut arriver si tu n’écris pas pendant quelques jours), je n’ai pas besoin de trouver de tactiques pour reprendre l’écriture. Par contre, le moment où je me mets devant l’ordi est toujours compliqué. Il y a toujours un moment où je vais zoner. Pendant une demi-heure je vais perdre du temps pour reculer le moment de commencer. Samantha Bailly disait « pour écrire il faut un espace mental et physique ». C’est vrai que je suis capable d’écrire quand j’ai le temps « mental » de le faire.

Quand il m’arrive d’avoir un blocage je me dis : Quelle est la scène que t’as envie d’écrire, qui va te faire marrer. Une scène qui va vraiment te faire méga plaisir.

B. : Est-ce que tu connais la fin de tes histoires quand tu en commences l’écriture ?

C. K. : Oui. Tu sais il y a cette distinction que l’on fait entre les jardiniers et les architectes. Moi je crois que je suis un mixte des deux. J’ai quand même besoin d’une structure, par exemple la méthode du flocon. C’est une structure en cinq paragraphes, où tu vas trouver trois écueils principaux à ton héros. J’aime bien trouver la quête de mon héros. Lorsque c’est fait, je vais lui poser trois grosses merdes au milieu. J’ai besoin de ces points d’ancrage.

Je n’aime pas ne pas savoir où je vais. Je mets des petites pierres pour le cheminement de l’histoire, tout en me laissant des passages de liberté.

B. : Si tu devais présenter ton roman « You and I » en trois mots, lesquels utiliserais-tu ?

C. K. : Aventure, amour et tourment.

B : J’ai adoré la lecture de ton roman « You and I ». On découvre dans ce roman que Alyssa se sent responsable de la mort de son frère. Pourquoi avoir eu envie de traiter de cette culpabilité qu’elle éprouve ?

C. K. : J’aime bien les personnages torturés, car ils me demandent beaucoup plus de travail qu’un personnage qui va me ressembler. Dans les autres livres que j’avais faits, c’est très souvent des héroïnes qui me ressemblent, mais là j’ai travaillé en terrain inconnu.

Quand tu te poses une contrainte de gens que tu ne connais pas du tout ça te permet de vraiment creuser à fond les problèmes et d’aller chercher des émotions qui sont hyper fortes, hyper puissantes. Tu peux construire un profil psychologique qui est plus intéressant.

B. : Comment as-tu construit les personnages de Alyssa et Ethan ? Est-ce qu’ils se sont imposés rapidement/facilement à toi ?

C. K. : D’abord je trouve les noms, je passe vraiment du temps pour les trouver. Un lien avec la personnalité, avec le lieu, les caractéristiques du prénom. J’ai besoin de cerner le trait de leur personnalité. C’est comme pour un enfant, quand il nait tu lui trouves un prénom qui va définir une part de son identité. Ensuite le physique, leurs blessures, leurs rêves et leurs objectifs de vie. J’ai besoin que le personnage puisse vivre sa vie. Sans ça, je ne peux pas écrire.

B. : Quel lien as-tu avec tes personnages ?

C. K. : Les personnages sont tes meilleurs amis et tes meilleurs ennemis pendant des mois. Je passe entre 6 mois à 1 an pour le premier jet. Si tu les connais bien, à un moment donné ils vont agir tout seuls. Tu vas leur mettre des conflits/problèmes et ils trouveront la solution tout seul. L’écrivain est comme un intermédiaire. Si je veux forcer un personnage à aller dans une direction et qu’il ne veut pas, ça ne va pas marcher. Parfois je rigole à cause d’eux. C’est le côté magique que tu ne maîtrises pas.

B. : Est-ce que tu visites les lieux de tes romans ?

C. K. : Je n’ai pas fait l’allée des tornades malheureusement, mais j’aurais bien aimé. C’est un des seuls livres où j’ai dû faire un gros travail de documentation. Tous les points où Ally est passée sont bien des endroits où il y a eu des tornades. Je suis allée à Montréal (départ du livre), mais je ne suis pas allée au Texas (et je n’ai pas envie d’y aller).

Dans les autres romans, j’ai beaucoup écrit sur Paris, ville où j’ai habité, sur Lausanne, ou la Californie où j’y ai vécu 6 mois. J’aime bien écrire sur des villes que je connais.

B. : Comment s’est passée ta collaboration avec Milady ?

C. K. : Par culot, j’ai commencé à discuter avec Stéphane Marsan sur Facebook, et il m’a répondu. J’ai été surprise par sa bienveillance. Ils ont lu mon roman et m’ont proposé des corrections. Je leur ai envoyé une nouvelle version et ils m’ont fait signer un contrat. C’est un des éditeurs qui me fait le plus travailler sur mes textes, c’est vraiment intéressant. Cela me fait avancer et me donne confiance dans mes textes.

B. : Je suppose que tu as reçu des lettres de refus ?

C. K. : Je pense que c’est un parcourt normal. On dit toujours que les lettres de refus sont normales et que les lettre d’acceptation sont exceptionnelles.

Le maître mot est la persévérance et ne pas se laisser démonter par un non. Il faut s’accrocher à son rêve !

B. : Ta famille en pense quoi ?

C. K. :Je pense que pour eux ça a été un long parcours d’accepter ce que je voulais faire de ma vie. Ma mère et ma sœur m’ont toujours lue, mais avec quelques années de retard sur mes productions. C’est quand j’ai commencé à publier chez Milady que ma famille a compris que cela devenait vraiment professionnel et que ce n’était pas une lubie. Ma mère et ma sœur sont maintenant à fond derrière moi et elles me soutiennent vraiment en tant qu’auteures. J’ai quand même dû les convaincre que c’est la vie que je souhaite, mais j’ai gagné !

B. : As-tu un comité de lecture ?

C. K. : Au début, oui, mais depuis que je bosse avec des éditeurs, je passe plutôt directement par un avis « professionnel ». Je suis impatiente d’avoir un avis et si je devais attendre sur un comité de lecture, la publication de mes livres serait plus longue.

B. : Que lis-tu ?

C. K. : A une époque, je lisais beaucoup de romances et ensuite du feel-good, mais en ce moment je lis des thrillers.

B. : Lecture papier ou électronique ?

C. K : Mes romans 2 et 3 ont été publiés en électronique et grâce à ça je me suis acheté une liseuse, mais je n’ai jamais réussi à franchir le pas du numérique.

J’adore sentir les livres, avoir le papier entre les mains. Si je pouvais vivre entre les livres, je vivrais dans une librairie. C’est magique un livre, y a tout un univers dedans !

B. : Je te laisse le mot de la fin !

C. K. : Merci à toi, j’adore parler, j’adore ces rencontres qui sont vraiment intéressantes. C’est un monde de passionnés. Il y a un côté vrai vie et un côté passion. Le monde du livre est magique au niveau des rencontres et de tout ce que l’on peut faire. Le mot de la fin est : MERCI !


Si je n’écris pas, je me sens inutile. Quand je finis l’écriture d’un livre, je ne peux pas commencer directement un nouveau. Dans cette période d’entre-deux, je déprime, je me sens vide. Je prends deux à trois mois sans écriture.

C’est un peu comme l’hiver, c’est mon hiver en accéléré, comme la sève qui retombe et quand il y a le printemps qui revient, je suis de nouveau bien. Je suis un arbre !