Quatrième de couverture :

Quand j’étais enfant, ma mère ne cessait de me répéter : « Arrête avec tes mensonges. » J’inventais si bien les histoires, paraît-il, qu’elle ne savait plus démêler le vrai du faux. J’ai fini par en faire un métier, je suis devenu romancier. Aujourd’hui, voilà que j’obéis enfin à ma mère : je dis la vérité. Pour la première fois. Dans ce livre. Autant prévenir d’emblée : pas de règlement de comptes, pas de violence, pas de névrose familiale. Mais un amour, quand même. Un amour immense et tenu secret. Qui a fini par me rattraper.

Extrait :

C’est la cour de récréation d’un lycée, une cour goudronnée cernée de bâtiments anciens aux fenêtres larges et hautes, à la pierre grise.
Des adolescents, sac à dos ou cartable posé aux pieds, discutent par petits groupes, les filles avec les filles, les garçons avec les garçons. Si on observe attentivement, on repérera un surveillant, à peine plus âgé.
C’est l’hiver.
On le voit aux branches nues d’un arbre planté là, au milieu, qu’on croirait mort, au givre sur les fenêtres, à la buée qui s’échappe des bouches, aux mains qu’on frotte pour se réchauffer.
C’est le milieu des années quatre-vingt.
Ça, on le devine aux vêtements, des jeans hyperajustés, délavés à la Javel, constellés de taches claires, à la taille haute, des pulls à modifs ; les filles portent parfois des jambières en laine, de couleur, tombant sur les chevilles.

J’ai dix-sept ans.
Je ne sais pas que je n’aurai plus jamais dix-sept ans, je ne sais pas que la jeunesse, ça ne dure pas, que ça n’est qu’un instant, que ça disparaît et quand on s’en rend compte il est trop tard, c’est fini, elle s’est volatilisée, on l’a perdue, certains autour de moi le pressentent et le disent pourtant, les adultes le répètent, mais je ne les écoute pas, leurs paroles roulent sur moi, ne s’accrochent pas, de l’eau sur les plumes d’un canard, je suis un idiot, un idiot insouciant.


Genre : Roman autobiographique

Nombre de pages : 159

Année : 2018

Édition : Editions 10-18

ISBN : 978-2-264-07198-9


Mon avis :

On pourrait s’arrêter à une histoire d’amour où le « timing » n’était pas au rendez-vous. Une histoire d’amour, dure et pourtant sensible. Une histoire d’amour forte entre deux hommes. Mais…

En nous offrant ce roman autobiographique, Philippe Besson, nous emmène dans un coin intime de sa vie. Il nous montre comment l’homosexualité était perçue dans les années huitante. L’importance du regard des autres, pendant l’adolescence, quand on se sent différent, mais aussi le regard que nous portons sur nous-mêmes.

Ce roman intimiste est d’une force incroyable. Il m’a chamboulé.

Quelle Puissance avec un grand P !

Tout de même, moi, je me demande comment on fait pour accepter cet entre-deux, cette absence qui n’est pas la mort, cette inaccessibilité qui n’est pas irrémédiable, cette existence fantomatique, comment on s’y résout, comment on n’est pas rattrapé par vagues régulières par le besoin de corriger cette imposture, de mettre fin à ce faux-semblant, de ne plus tolérer cette étrangeté, ou tout simplement par le manque (on y revient sans cesse). On a beau vouloir respecter la liberté d’autrui (y compris quand on la juge égoïste), on a aussi sa propre douleur, son courroux ou son spleen à surmonter. Mais je ne pose pas la question au fils amputé.