Mila se voit imposer un choix professionnel par ces parents, alors que Mila souhaitait de tout son coeur apprendre le métier de secrétaire. Aloys Bronck, chapelier de la place, accepte de prendre Mila en formation et il décèle rapidement son potentiel de modiste. Il réussie à lui décrocher un stage dans l’atelier de costumes et chapeaux au sein des studios de cinéma, là où Eva, la nièce d’Aloys, travaille. Mila s’en va donc dans une vie qui ne lui était pas destinée mais qui lui ouvre les bras. Un chapeau peut-il changer le cours d’une vie ?

Histoires d’amitié, d’amour, de deuils, de passion pour un métier s’entremêlent. Jusqu’au rebondissement final. (source quatrième de couverture)


Extrait :

Un matin, alors qu’il essuyait soigneusement ses lunettes en écaille pour la quatrième fois, désespérant de ne pouvoir placer des minuscules pierres scintillantes sur sa calotte, j’eus une impression étrange. Cela ne lui ressemblait pas. Lui si méthodique et patient, aux doigts si agiles et à la technique si pointue, ne pouvait être ennuyé par le sertissage de strass, autre chose devait le préoccuper. Peut-être craignait-il l’irruption de la cliente et une nouvelle exigence qui viendrait compliquer encore son travail ?
Je sentais qu’il voulait dire quelque chose mais ne pouvais s’y résoudre. Enfin, il leva les yeux de la calotte, me regarda et me confia ce qu’il avait sur le coeur :
– Cela fait bien longtemps que tu es là à m’aider à l’atelier ou au magasin. Il y a, tu le vois bien, de moins en moins de travail. Les commandes diminuent d’année en année. Les gens préfèrent acheter leurs chapeaux ailleurs. Certains, même, n’en portent plus guère qu’aux grandes occasions ! Le travail d’artisan n’est plus reconnu.
Il toussota, attendant que je lui réponde. J’acquiesçai mollement, devinant ce qu’il allait me dire ensuite.
– J’ai mis de l’argent de côté malgré tout et puisque je suis seul, j’ai peu de besoins. Je n’ai pas d’enfants, je n’ai jamais su y faire avec les femmes…
Je rougis, lui aussi me sembla-t-il. Il reprit :
– Mon atelier ne durera pas éternellement et je doute pouvoir te garantir un salaire encore longtemps…
– Pas besoin de vous fatiguer, j’ai compris, vous allez me virer, le coupai-je fort impoliment, mon manque d’éducation et ma fougue me dépassant encore une fois.
Il me scruta de ses yeux perçants, posa la calotte puis annonça :
– Non, grand Dieu, non ! Je te propose un stage ailleurs. Les économies serviront à t’offrir le voyage et l’hôtel.
– Un stage ? Mais de quoi ? Où ?
Ma curiosité piquée, je le pressais de questions à la manière d’un petit enfant piaffant devant son cadeau de Noël. Enfant, ça oui, je l’étais encore tellement à ce moment-là ! Beaucoup de naïveté, un soupçon d’égocentrisme et de fraîcheur, je me censurais peu. Il eut un petit rire satisfait, croisa les bras sur son gilet et annonça qu’il avait besoin d’une tasse de café. Il se leva et monta à l’étage. Je me renfrognai et lui emboîtai le pas. Je savais par expérience qu’il aimait suivre tout un rituel pour préparer son breuvage noir.
Tout d’abord, chauffer l’eau une première fois, ajouter le sucre. Après seulement, il pesait – oui, pesait! – avec précision la quantité de poudre de café avant de la déposer dans la cassolette et de porter le tout à ébullition en surveillant la mousse.
Il regardait alors avec bonheur les bulles ambrées monter jusqu’au rebord de son récipient en cuivre. Et si jamais il me prenait l’envie de l’interrompre par une question, il recommençait tout depuis le début, totalement décontenancé.
Je rongeai mon frein en suppliant mentalement l’eau de bouillonner très vite au travers de la poudre couleur d’humus. Enfin, il apporta deux tasses de café fumant et expliqua pour la énième fois :
– La préparation d’un bon café c’est une méditation, tous les sens sont sollicités : l’ouïe avec le clapotis de l’eau bouillante ; la vue avec l’alternance du brun et de l’or, l’éclosion des bulles parfaites ; l’odorat avec ce fumet incomparablement plein, le toucher à travers la chaleur de la tasse et l’onctuosité du café moulu et enfin – quel bonheur ! -, le goût ! Si rond, si délicatement boisé, avec juste cette pointe d’amertume. Il faut du temps pour savourer tout cela.
Il soupirait d’aise, déposait ses lunettes sur la table et aspirait bruyamment une première gorgée en fermant les yeux.
– Le bonheur est tout entier représenté dans une tasse de café, murmura-t-il.
Et il en était ainsi chaque fois qu’une tâche rébarbative l’attendait ou qu’il souhaitait ménager une surprise. D’habitude, cela m’amusait, mais ce jour-là c’était un supplice. Je faillis me brûler la bouche tant j’avalai rapidement le contenu de ma tasse.
Comme la quiétude de ces instants m’a manqué aux moments les plus tumultueux de ma vie ! Semblant remarquer enfin mon impatience et ma fébrilité, il reprit :
– Tu es jeune, ne perds plus ton temps avec le croûton que je suis. Le monde n’attend que toi !
Je protestai, plus pour la forme :
– Vous n’êtes pas si vieux ! Et sans vous, je n’aurais ni métier ni logement ! Je végéterais chez mes affreux parents.
– Un métier, parlons-en ! Tu es à peine capable de fabriquer trois sortes de chapeaux sans aide ! J’ai été égoïste et grossier de ne pas te laisser faire ton secrétariat. La vérité c’est que sans ta présence je m’ennuyais et que je m’étais persuadé que tu finirais par aimer cette chapellerie au point de la reprendre après moi. Ma nièce, Eva, la connais-tu ? Elle travaille dans le cinéma à Paris. Je ne sais fichtre rien de ce qu’elle fait exactement, mais les studios où elle travaille recherchent quelqu’un pour les décors et costumes. Apprendre auprès de modistes confirmés pour parfaire ta formation, ça te dirait ?
Je n’en crus pas mes oreilles et lui sautai au cou, renversant son si précieux breuvage sur le parquet ciré. Changer d’air me serait bénéfique, arpenter une grande ville et rencontrer de nouvelles personnes, une meilleure perspective que l’école de secrétariat !
Il maugréa sur l’impétuosité de la jeunesse, la fragilité du parquet et le café perdu sans vraiment cacher qu’il était content de ma réaction. Son lumineux sourire déjouait sa pantomime.


Genre : Roman

Nombre de pages : 172

Année : 2017

Édition : Editions Slatkine

ISBN : 978-2-8321-0787-4


Mon avis :

J’ai rencontré Manuela Ackermann-Repond lors d’un atelier d’écriture et j’ai donc été très heureuse de recevoir son premier roman (je tiens à la remercier pour sa confiance).

La couverture de « La Capeline écarlate » m’a tout de suite séduite, il faut dire que je suis une amoureuse de Paris et j’ai trouvé cette couverture vraiment charmante.

Le coup de coeur ne s’est pas imposé rapidement même si j’ai adoré l’histoire depuis le début. J’ai trouvé la naïveté et la force de Mila assez déroutante, à la fois cette innocence de la fin de l’enfance et pourtant cette force des cicatrices que la vie nous impose. Il y a certains moments dans ce roman qui se passent à mon sens trop vite (difficile de l’expliquer vraiment, mais c’est par exemple un événement qui arrive sans une « certaine fioriture autour » qui nous permet d’y arriver sans nous demander « pourquoi »), mais j’ai mis cette petite faiblesse sur le compte du « premier roman » et surtout cela ne m’a pas empêché de continuer ma lecture.

Ce roman aurait donc dû être une lecture que j’aurais beaucoup aimée, mais l’auteure m’a entraînée vers un coup de coeur des plus incroyable ! Je ne vais pas pouvoir vous révéler le « pourquoi » car sinon je vous dévoilerai la force de ce roman, mais ce que je peux dire c’est que lorsque je l’ai fini, je suis retournée au début du roman pour comprendre (ou trouver) ce que j’avais « raté ».

Manuela Ackermann-Repond signe avec « La Capeline écarlate » un sacré coup de théâtre, un premier roman fabuleux et qui promet de futures lectures surprenantes !


Je tiens à remercier les éditions Slatkine pour l’envoi de ce livre en Service Presse !