A l’occasion du 1er Salon des petits éditeurs, j’ai écouté un débat entre éditeurs et j’ai tout de suite aimé la philosophie des éditions Encre Fraîche. Après un bref échange avec Alexandre Regad, c’était devenu une évidence que je souhaitais de créer un partenariat avec elles !

Cette année, les éditions Encre Fraîche ont fêté leur dix ans d’existence, et c’est avec plaisir qu’Alexandre a accepté de répondre à mes questions, afin d’en savoir plus sur cette maison d’édition au grand coeur !


Logo Encre  Fraîche

Bouquiner : Pouvez-vous présenter les éditions Encre Fraîche aux lecteurs ?

Alexandre Regad : Les éditions Encre Fraîche sont une maison d’édition qui publie depuis dix ans de la fiction, autrement dit des romans et des nouvelles. Nous avons actuellement 35 titres au catalogue. Pour essayer d’échapper à la logique implacable de la durée de vie très éphémère des livres en librairie, nous organisons de nombreuses manifestations culturelles durant lesquelles nous continuons à présenter tous nos ouvrages depuis le début : balades littéraires à pied et à vélo, cafés littéraires, soirées lecture et musique… Ces rencontres, parfois improbables, comme lors d’une balade à pédalo dans la Rade genevoise, favorisent les rencontres conviviales entre les lecteurs et les auteurs.

B : Vous êtes le président d’Encre Fraîche depuis plusieurs années. Comment l’envie de devenir éditeur vous est-elle venue ?

A. R. : Les éditions Encre Fraîche sont nées il y a dix ans autour du manuscrit d’Olivier Sillig « La Marche du Loup ». Après avoir découvert ce texte très puissant et appris que son auteur ne trouvait étonnamment pas d’éditeur, l’idée a été lancée par quelques amis, un soir, de créer une maison d’édition pour pouvoir le publier. Nous étions tous en lien avec le monde du livre (bibliothécaire, écrivain, étudiant en lettres, etc.), mais complètement novices en matière d’édition. C’est donc une véritable aventure qui a commencé !

B : Comment sont organisées les éditions Encre Fraîche (nombre de personnes, comité de lecture…) ? Quelles sont les « forces » de votre maison d’édition, elle qui fête ses 10 ans d’existence cette année ?

A. R. : Encre Fraîche n’est pas une maison d’édition classique, puisque nous fonctionnons sur le mode associatif avec un comité et une commission littéraire. Le comité est composé de trois membres : Catherine Demolis (vice-présidente), Adriana Passini (trésorière) et moi. La commission littéraire comprend actuellement quatre membres : Nicole Staremberg, Cornélia Wermelinger, Catherine Demolis et moi. Hormis notre graphiste et notre imprimeur, tout le monde donne son temps bénévolement. Nous avons également une quarantaine de membres, qui nous soutiennent par leurs cotisations, et plus de 700 sympathisants qui suivent nos activités. Par ailleurs, nous attachons une importance toute particulière à la relation privilégiée que nous entretenons avec nos auteurs. En effet, dans notre charte, le but principal d’Encre Fraîche est de mettre les auteurs au centre du processus de l’édition dont ils sont trop souvent tenus à l’écart. C’est pourquoi nous reversons aussi la moitié de notre recette aux auteurs.

B : Si vous deviez définir en quelques mots la ligne éditoriale d’Encre Fraîche ?

A. R. : A une ligne figée, nous préférons nous laisser emporter par l’univers et la langue de chaque manuscrit que nous retenons sans aprioris ou logique de rentabilité. Tous les manuscrits sont lus par les membres de la commission et chaque auteur reçoit une réponse personnalisée avec des pistes et des suggestions. Nous favorisons également les nouveaux auteurs, qui trop souvent, peinent à trouver un éditeur.

B : L’une des valeurs de vos éditions est de publier vos « coups de coeur », mais qu’est-ce qui fait qu’un manuscrit sera retenu ? Vous avez un comité de lecture, est-ce que le choix doit être unanime ? Comment « tranchez-vous » en cas de désaccord ?

A. R. : Il y a deux aspects principaux pour qu’un manuscrit devienne un coup de cœur : le contenu et la langue. Souvent, l’un des deux aspects ressort, mais il est rare que les deux soient vraiment réunis. Quand c’est le cas, il y a comme une sorte d’évidence. Dans une petite structure comme la nôtre, il faut croire à 200 % aux textes que nous allons ensuite défendre auprès des lecteurs, des libraires et des critiques ! Pourtant, l’évidence n’est pas toujours partagée. En effet, les membres de la commission ont tous des sensibilités et des goûts différents. C’est pourquoi, après des années d’unanimité, nous avons décidé de nous « contenter » d’une majorité absolument convaincue. Dans quelques cas, nous faisons également appel à des lecteurs qui ne font pas partie de la commission pour trancher.

B : Combien de manuscrits recevez-vous et combien en publiez-vous en moyenne par année ?

A. R. : Nous recevons en moyenne entre 100 et 150 manuscrits par année pour 4 ou 5 publications.

B : Quelle est la plus belle (ou les plus belles) surprise(s) littéraire(s) pour Encre Fraîche ?

A. R. : Nous avons publié « Ciao Letizia » d’Arthur Brügger, qui avait 20 ans lors de la publication de son merveilleux texte sur sa grand-mère, et « La Rôdeuse » de Mathilde Zufferey, qui était – quant à elle – déjà nonagénaire quand son premier roman est sorti de presse. En littérature, tout est possible, il n’y a pas de règles !

B : En novembre, vous avez organisé le 1er Salon des petits éditeurs, qu’aviez-vous envie de montrer au public ? Avez-vous été satisfait de ce salon ? Racontez-nous un peu votre ressenti après cette journée.

A.R. : Nous avons rêvé ce projet depuis de longues années et, grâce à notre collaboration avec l’association Ptolémée, le soutien de la Ville du Grand-Saconnex et la Fondation Jan Michalski, nous avons pu le concrétiser. Nous voulions montrer que la littérature romande est extrêmement vivante et qu’elle recèle des œuvres aussi variées qu’intenses. Trop de gens ignorent qu’il existe une multitude de petites maisons d’édition avec des structures, des goûts et des approches différentes. Cette richesse a pu être présentée au public. Pas moins de 300 visiteurs ont assisté à cet événement, ce qui est vraiment un succès pour une première édition ! Surtout, lorsque l’on sait que 600 livres ont été vendus en une seule journée, soit deux livres par personne en moyenne ! Durant cette journée, le public a pu rencontrer des éditeurs, des auteurs, des critiques, suivre 6 débats et écouter 10 lectures. Tous les retours convergent avec enthousiasme pour décrire une atmosphère chaleureuse et humaine durant cette journée, ce qui nous encourage vivement à rééditer le Salon des Petits Editeurs l’année prochaine.

B : Sur votre site internet, on ne trouve pas de version électronique de vos publications. Quelle est la position des éditions Encre Fraîche face au livre électronique ?

A. R. : Tous les membres d’Encre Fraîche sont amoureux du papier et de l’objet-livre. Après discussion, nous avons décidé de nous concentrer sur nos livres que nous concevons avez passion.

Pour nous, un livre doit pouvoir se palper et se sentir.

Nous sommes convaincus que le livre papier reste l’avenir du livre !

B : Je vous laisse le mot de la fin, qu’auriez-vous envie de rajouter ?

A. R. Une utopie au départ … une réalité aux milles facettes dix ans après ! Et un enthousiasme sans limites pour les 10 prochaines années ! Des initiatives comme le magnifique blog Bouquiner, avec lequel nous sommes très heureux d’avoir désormais un partenariat, renforcent notre volonté de faire vivre et connaître la littérature romande !


Je remercie chaleureusement Alexandre d’avoir répondu à mes questions ainsi que d’avoir accepté un partenariat, j’en suis très heureuse !