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Captivée par Le Clairvoyant et impatiente de lire Le Monstre, j’étais curieuse de savoir qui est Guillaume Duhan. C’est à travers ces quelques questions qu’il a, gentiment et chaleureusement, accepté de se dévoiler !


A la découverte de Guillaume Duhan

Bouquiner : Pour les lecteurs qui ne te connaissent pas, pourrais-tu te présenter en quelques mots?

Guillaume Duhan : Bonjour je m’appelle Guillaume Duhan, j’ai 26 ans et j’ai écrit un roman qui s’intitule Le Clairvoyant. J’ai commencé l’écriture par hasard, en créant un premier blog dès 2008, qui s’appelle My Favorite Paper. Suite à ce modeste succès, et sur les conseils d’amis, j’ai décidé d’écrire un roman… Depuis, j’ai fait un passage par Londres où j’ai étudié et aujourd’hui j’habite Berlin où je travaille et continue d’écrire.

B : L’écriture et toi, depuis combien de temps dure cette histoire d’amour ?

G. D. : Ahah ! (rires). J’aime bien cette question. Je ne sais pas vraiment si c’est une histoire d’amour mais un évènement m’a poussé vers l’écriture : la lecture du Voyage au bout de la Nuit de L.F. Céline. C’était en 2006. A l’époque, la littérature était de loin d’être ma préoccupation première. Ce roman m’a vraiment donné l’envie d’écrire. J’ai commencé par retranscrire ce qui m’arrivait en récits. J’ai ma façon de raconter les choses, mon entourage vous le dira, j’enjolive toujours la réalité et je crois que c’est ce trait de ma personnalité qui m’a lancé sur le chemin littéraire.

Mais pour reprendre « l’histoire d’amour », je dirai plutôt qu’écrire est devenu pour moi un calvaire. Vous allez me dire que toutes les histoires d’amour peuvent se transformer en calvaire ! C’est exactement ça. Quand j’écris une histoire, je l’imagine, je l’élabore mais elle me fait toujours souffrir. Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas question d’offrir une vie rêvée à mes personnages si moi-même je ne vis pas une vie de rêves. Ils doivent vivre eux aussi et la vie est parfois cruelle. D’ailleurs, je suis incapable d’écrire des histoires que je ne vis pas.

B : Est-ce que tu t’es toujours vu devenir écrivain ou alors quel était ton rêve ?

G. D. : Je n’ai jamais rêvé d’être écrivain et je n’en rêve toujours pas. Je rajouterai même que je ne me considère pas comme un écrivain : cela me placerait au niveau de Céline, Dostoïevski ou Dickens. Je n’ai pas leur talent et dire le contraire serait de la vantardise. Je préfère qu’on me considère comme quelqu’un qui vous raconte une histoire et vous invite à en tirer une morale.

Mon rêve est simple. C’est m’accomplir personnellement, dans tous mes projets, les voyages que j’ai envie de faire, les langues que je veux apprendre, les livres que je veux écrire et surtout… devenir heureux ! (rires). Mais écrivain, non. J’ai une vie professionnelle à côté de l’écriture et j’y tiens réellement car écrire n’est pas sérieux (dixit je-ne-sais-plus-quel-auteur).

B : Ton roman « Le Clairvoyant » est le premier que tu publies. As-tu des manuscrits que tu laisses dans un tiroir ?

G. D. : Il n’y a eu qu’un seul manuscrit avant le Clairvoyant. Et oui, il est dans un tiroir ! A vrai dire, ce n’est pas les manuscrits les plus importants chez moi, ce sont surtout les post-it. Je suis un grand consommateur de post-it ! De toutes les couleurs, déjà ça m’inspire. Ensuite, parce qu’un post-it pour moi, c’est une idée. Et vu que je construis mes romans par idées et non pas par thèmes, par genre où je ne sais quoi d’autre, les post-it sont très importants ! Dans mon ancien chez-moi, les murs étaient envahis de post-it racontant tout et n’importe quoi. Je m’en souviens d’un là, tout de suite : « Masque africain, tête de taureau à cornes, penser aux démons ». (rires) Me demandez pas pourquoi !

B : Comment t’es venue l’inspiration pour « Le Clairvoyant » ? En combien de temps l’as-tu écrit ?

G. D. : Le Clairvoyant raconte l’histoire d’Alexandre qui est un jeune-journaliste. Je crois que le parallèle avec moi s’arrête sur ce simple élément. L’inspiration m’est venue de mes cauchemars de l’époque, dans mon appartement Bordelais. Ceux qui l’ont connu se souviennent de mon lit sur palettes et la machette qui trônait à côté : c’était une période extraordinaire de ma vie mais je me sentais coupable de beaucoup de choses. Elle provient de là, de mes angoisses, des questions que je me posais sur mon avenir et de mes chagrins d’amour de l’époque et même d’avant. En fait, Le Clairvoyant n’est ni plus ni moins une réflexion sur la place de l’être humain dans le monde actuel, sur ses ambitions et ses échecs, sur ses bonnes et mauvaises actions. Je dis souvent que le thème principal, c’est la culpabilité. Du moins, je l’ai voulu ainsi.
J’ai mis deux ans à l’écrire. Au début, il faisait mille et quelques feuillets. Je l’ai réduit à une centaine. Trop de divagations, trop de blaba pour rien. Je n’aime pas ennuyer le lecteur.

B : Tu viens d’achever l’écriture de ton prochain roman « Le Monstre ». Au vu de ce que tu laisses transparaitre sur les réseaux sociaux, il sera plus « sanguinolent », plus thriller, un changement de style par rapport au Clairvoyant, pourquoi cette différence ?

G. D. : Mon style restera le même. Simplement, je n’ai pas voulu réécrire Le Clairvoyant. Le Monstre racontera l’histoire d’un serial killer donc forcément il y aura du sang. Mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus important. Si vous m’avez lu, vous savez que je fais tout pour tromper mes lecteurs, les surprendre et les embrouiller afin de faire émerger une morale à la fin.

Ce qui va changer dans Le Monstre c’est évidemment l’histoire mais aussi la narration. Le Clairvoyant était focalisé sur Alexandre. Dans Le Monstre, on va suivre l’évolution de quatre personnages en même temps dont les destins convergeront dans la même direction. Il y a évidemment un personnage sur lequel on se penchera plus, c’est Le Monstre. Mais il n’est rien si les autres n’existent pas.

C’est donc une autre histoire et de nouveaux personnages mais reliée chronologiquement au Clairvoyant ! Ce qui est important, c’est la cohérence et j’espère l’avoir respectée puisque je désire que tous mes romans se suivent et soient liés aussi par les personnages !

B : Quel est ton meilleur souvenir depuis la sortie de « Le Clairvoyant » ?

G. D. : Bizarrement ce n’est pas la publication papier ! (sourire). Elle m’a faite plaisir évidemment. Je crois que mon meilleur souvenir, c’est lorsque mes amis m’ont dit qu’ils avaient adoré. Alors évidemment, les amis peuvent vous mentir. Mais l’intérêt qu’ils ont porté à mon roman par la suite, et tout ce qu’ils ont fait pour moi, a prouvé que j’avais atteint mon objectif quelque part. Ça rassure aussi de se dire : « Bon, je n’ai pas fait ça pour rien. Ça n’aura peut-être pas de succès mais j’aurai réussi à satisfaire mon entourage : c’est le principal. Je n’espère rien de plus. »

B : Tu es très actif sur les réseaux sociaux, comme Twitter et Facebook, et sur Youtube. Qu’est-ce que cela t’apporte ?

G. D. : C’est très important pour moi d’être actif sur les réseaux sociaux car c’est mon lien avec les lecteurs. Et je tiens énormément à ça ! J’écris pour remplir leur imaginaire. Je les nourris. Alors il faut bien que je prenne la température, que je cuisine et que je les serve ! J’aime ça. C’est ma nature de donner. Twitter, Facebook et Youtube me permettent de discuter avec eux et de leur retourner toute la force qu’ils m’ont apportée. Quand je vois qu’on achète mon roman jusqu’en Suisse, je n’arrive pas à y croire ! Jamais je n’avais imaginé qu’on pourrait me lire jusqu’en Suisse ! Ni en Belgique, ni en Russie, ni même jusqu’à Lyon ! (rires) Je trouve cela extraordinaire et surtout très généreux : vous imaginez ? Des personnes qui ne me connaissent pas me font confiance et me donnent une chance de les envoûter par mes histoires ? Je prends cela très au sérieux. J’ai beaucoup de respect pour mes lecteurs, c’est pourquoi je dis toujours : « J’espère ne pas vous décevoir. »

B : Tu as créé « Maryshair » pour la publication de tes livres, pourquoi ce choix ? Comment cela se passe-t-il concrètement ? (impression, envoi, promotion, etc.)

G. D. : J’ai décidé de créer ma propre maison d’édition car je voulais rester maître de mon œuvre et surtout je voulais être en contact direct avec mes lecteurs. On me pose souvent la question : je n’ai jamais envoyé mon manuscrit à des maisons d’éditions. Pas parce que j’ai peur du résultat, non, c’est surtout que je suis bien trop attaché à mon indépendance. Et l’idée ne m’a jamais séduite. Je préfère choisir ma couverture moi-même, définir la date de sortie, organiser la communication, répondre aux emails moi-même, envoyer les exemplaires tous les jours et leur donner une touche personnelle. J’aime le contact avec mon graphiste, mon imprimeur et tous ceux qui m’aident à donner vie à mon livre. Pourquoi serai-ce à quelqu’un d’autre de le faire ? C’est mon œuvre, c’est mon histoire après tout. C’est à moi de faire tout ça. Notre époque le permet alors… Et puis comme ça, si un jour ça ne marche plus, je ne pourrais m’en prendre qu’à moi-même.

B : Quelle est ton opinion face aux livres électroniques ?

G. D. : J’ai une opinion particulièrement favorable à l’égard des livres électroniques. C’est l’avenir. Un ebook permet de découvrir un auteur inconnu, de le juger seulement sur l’écriture et à moindre frais (normalement). De plus, c’est diffusé partout dans le monde et à n’importe quel moment. C’est quand même révolutionnaire ! J’encourage d’ailleurs tous ceux qui ont envie de se lancer à emprunter cette voie. C’est une excellente école.

Mais je suis convaincu que le livre électronique ne remplacera jamais le livre papier. Du moins pour moi, passionné de littérature. Rien ne remplace le toucher, l’odeur, l’objet en lui-même est trop sacré. Il est là, sur l’étagère. Tu lis le titre et te rappelles à peu près de l’histoire, du contexte et de l’auteur… On ne peut pas faire ça avec un ebook. Et un livre papier, pour moi, est avant tout une œuvre d’art. Il est unique ; vous partagez la même histoire. C’est important. C’est sacré.

Une question un peu particulière, comme un portrait chinois, dis-moi qui tu serais, si tu étais :
Un mot ? Transgression. Je n’aime pas faire ce que les autres font. Il n’y a là aucun mépris. Juste de la crainte. La crainte d’être malheureux un jour, l’angoisse d’avoir fait le mauvais choix. Pourtant, je crois au destin et au karma. Je pense qu’on ne peut rien y faire, il n’y a pas de hasard, tout ce qui nous arrive est prévu. Mais comme Phèdre je veux me battre contre le destin… En vain.
Un écrivain ? Dostoievski. C’est un maître pour moi. Vous avez lu Crimes et châtiments ? Pour moi, il y a eu un avant et un après.
Un livre ? Sur la Route de Jack Kerouac. C’est la vie que j’aurais aimé vivre et c’est surtout le livre que j’ai le plus relu. Je n’ai pas de mots…
Une ville ? Londres. Je suis lié à cette ville par quelque-chose de mystique. Elle a laissé quelque-chose au fond de moi qui m’oblige à y revenir. Je le sens depuis que j’en suis parti. C’est comme si j’y avais vécu au dix-neuvième siècle. Peut-être que je suis la réincarnation d’un londonien de l’époque. J’ai dans l’idée qu’il a été assassiné au coin d’une rue par quelqu’un en qui il avait confiance. Etrange. D’ailleurs, Le Monstre se passe dans mon ancienne université, l’University College of London. Si vous avez l’occasion de vous y rendre, vous reconnaîtrez le couloir principal avec la statue de Jérémy Bentham.
Un plat ? Une forêt-noire. D’accord, c’est une pâtisserie et non un plat. Mais j’ai immédiatement pensé à ça. C’est ce que j’ai découvert en arrivant en Allemagne. Maintenant, ma mémoire assimile la forêt-noire à Berlin, son climat, ses lieux et son S-Bahn…
Une couleur ? Vous allez dire que c’est cliché mais je choisis le noir. Aucune raison apparente. Peut-être parce que je suis sujet aux migraines depuis mon adolescence et que la lumière me les provoque assez facilement et que je reste enfermé à longueur de journée.

B : Je te laisse le mot de la fin alors qu’aurais-tu envie d’ajouter ?

G. D. : Merci pour cette interview ! L’internet permet aux gens qui partagent les mêmes passions de se rencontrer et d’en discuter. Je trouve cela formidable. La littérature est en train de renaître, nous vivons une époque où nous sommes plus que jamais libres d’entreprendre et de développer nos passions. C’est ce à quoi je vous encourage : à devenir vous-mêmes.