Lionella est une jeune violoncelliste de 17 ans qui s’apprête à participer au concours Arpèges et cherche désespérément LE morceau qui fera la différence. Elle se cloître dans sa chambre, de plus en plus déprimée jusqu’au moment où Kevin, son ami d’enfance, débarque avec un vieux coffret en bois qu’il a chiné dans une brocante. Comment cette « vieillerie » pourra-t-elle changer le destin de l’adolescente ?
Dans cette boîte elle découvre une vieille partition accompagnée d’un carnet écrit en ancien italien. Elle commence à déchiffrer la partition, les notes s’imprègnent en elle et elle se met à jouer ce morceau sur son violoncelle jusqu’à en oublier la présence de son ami.
D’où vient cette sonate ? Qui en est le compositeur ? Qui était cette jeune Ada dont le carnet retrace l’histoire ?
Comment Lionella pourra-t-elle convaincre son professeur que c’est ce morceau qu’elle souhaite jouer lors du concours ? Comment présenter au jury cette sonate « oubliée » dont, d’après les indices, l’auteur devrait être Vivaldi sans que cette partition soit authentifiée ?
Extrait :
Il frappa à la porte et la mère de Lionella vint lui ouvrir.
– Ah ! Bonjour, Kevin, tu vas bien ? Lio est dans sa chambre… comme d’habitude, ajouta-t-elle.
Elle lui passa la main dans les cheveux comme quand il était enfant. Pour elle, il était toujours le gentil gamin, copain d’enfance de sa fille, qui arrivait à la distraire les mauvais jours.
Il monta l’escalier sans se faire prier et gratta à la porte de la chambre.
– C’est moi… Kevin !
– Ah ? Entre et referme derrière toi. Je suis censée travailler.
– Et ce n’est pas le cas ?
– Non, pas envie ! Je ne faisais rien. Absolument rien. Je suis dégoutée.
– C’est pourtant super de passer à la télévision !
– Pff ! Tu ne vois que ça, toi ! La télévision ! Ce n’est pas la Star Academy ! C’est du sérieux !
Il contemplait le jeu de mains de Lionella qui rassemblait ses cheveux et les tordait en un chignon approximatif et pourtant si charmant. Il n’était jamais parvenir à comprendre comment les filles pouvaient exécuter des gestes aussi gracieux de manière machinale. Il était fasciné par la spontanéité de cette pantomime féminine.
Il émergea de sa rêverie et s’aperçut qu’il serrait avec raideur la boîte métallique contre sa poitrine.
– Tiens, dit-il en lui collant son cadeau dans les mains. Pour toi…
– Pour moi ?
Elle observa quelques instants la cassette, passa les doigts sur le métal oxydé avant d’en soulever le couvercle. Elle ouvrit le cahier et parcourut des yeux la page qui s’offrait à elle.
– C’est de l’italien.
– Je m’en doutais, répondit Kevin. Tu comprends ?
– Oui… Je parle bien italien, c’est ma langue maternelle… sauf que… certains mots sont bizarres… Ça doit être de l’italien ancien.
Elle saisit la liasse de papiers jaunis qu’elle déroula et fronça les sourcils en les parcourant avidement.
Kevin avait l’impression de s’être dissous dans l’atmosphère de la pièce. Il n’osait bouger de peur de troubler la concentration de celle qui avait oublié son existence. Il scrutait ses mâchoires serrées et les plis de tension sur son front bombé. Par moments, les lèvres de Lionella remuaient, mimant une mélodie intérieure qui se refusait à franchir la barrière de sa bouche.Fasciné, il réalisait qu’elle « entendait » la musique dans sa tête sans avoir besoin de la jouer. C’était un grand mystère qu’il ne pourrait jamais approcher. Le silence tissait maintenant autour d’eux un voile invisible dans ce temps suspendu. Il se sentait largué, abandonné sur le rivage tandis que la barque glissait au loin, sans lui, sur un lac étranger.
Après un moment qui parut très long à son ami, Lionella troubla le calme qui s’était installé et alla prendre son violoncelle. Elle s’assit et planta la pointe métallique de la pique dans l’encoche de la planche afin de stabiliser l’instrument qu’elle attira contre elle, entre ses genoux. Enfin, elle disposa les partitions sur le lutrin.
Kevin retint son souffle car il allait découvrir ce qu’elle avait déjà perçu en quelques coups d’oeil.
Le crin de l’archet frotta les cordes et des vibrations à la sonorité riche et profonde se déversèrent dans la pièce. Très concentrée sur les portées, elle déchiffrait, parfois hésitante, parfois confuse, cependant Kevin était admiratif. Soudain, elle s’arrêta et repoussa l’instrument, rompant l’enchantement. Ce fut comme si le fil sur lequel il évoluait, léger, dans les airs, se cassait et le précipitait à terre.
– Où as-tu trouvé cela ? dit-elle au jeune garçon, subitement consciente de sa présence.
– C’est un cadeau, ça ne se dit pas, fit-il, gêné.
– Allez ! Déconne pas !
– Aux puces… Une bonne femme l’avait dans un fouillis de vide-greniers.
– Génial !
– Vraiment ? Ca te plaît ? dit-il, tranquillisé. J’ai lu « violoncello » alors j’ai pensé à toi…
– On dirait du Vivaldi… Une sonate de Vivaldi que je ne connais pas… Il faut que je déchiffre, que je travaille. Je pourrais peut-être jouer cette sonate pour le concours ! Je suis sûre que je serais la seule à l’interpréter !
Genre : Roman
Nombre de pages : 256
Année : 2017
Édition : Editions Péludes
ISBN : 978-2-253-10781-1
Mon avis :
Dès les premières pages, nous sommes transportés dans le présent de Lionella et emportés trois-cents ans plus tôt dans le présent de Ada. Deux jeunes filles réunies par le violoncelle. Une symphonie magique qu’elles nous jouent à l’unisson dans l’écart des années. J’ai vibré aux notes des violoncelles à chaque page que je tournais, j’avais l’impression de les avoir toutes les deux dans mon salon.
J’ai adoré cette lecture ! Christiana Moreau nous fait voyager à travers les siècles dans une « Venise » qui a évolué avec le temps et pourtant dans laquelle la musique reste ancrée. J’ai été bouleversée par ce roman qui est à la fois tendre et dure, musical et littéraire, et il y a un certain suspens autour de cette partition retrouvée et dont la vérité sur ses origines se parsème par petites touches au fil des pages.
A la fin du livre, l’auteure Christian Moreau précise que ce roman « se fonde sur des personnages historiques tout en restant une ouvre d’imagination. Il est fidèle à une époque et à des faits réels qui s’y sont déroulés. J’ai utilisé ce que l’on sait de certains personnages historiques et je les ai mêlés à d’autres, inventés ». Cette précision nous laisse continuer d’écrire l’histoire et d’imaginer une suite à la vie de Lionella, d’Ada, de Kevin… Les personnages continuent ainsi de vivre au-delà du livre refermé.
Un magnifique roman qui m’a vraiment prise au coeur ! Je vous invite à découvrir cette sonate oubliée qui continuera de vibrer en vous après le point final.
Je tiens à remercier les éditions Préludes pour l’envoi de ce livre en Service Presse !
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Commentaires
Merci pour cette jolie critique et cette analyse très complète.