Michel Simonet est balayeur de rue à Fribourg. Non pas parce qu’il n’a pas trouvé autre chose, mais simplement par choix. C’est au terme d’un travail d’été qu’il décide d’envoyer sa candidature pour un poste et qu’il a été retenu.
Il passe toutes les saisons à l’air libre, chaud ou froid, rien ne l’arrête. D’heure en heure, de kilomètre en kilomètre, d’escalier en escalier, de trottoir en trottoir, il rend Fribourg, sa ville, meilleure, le tout avec plaisir !
Michel Simonet est de ceux qui sont curieux de la vie et qui aime se plonger dans la lecture, à travers les mots et rien de plus naturel que de laisser ces lettres sur papier. C’est ce qu’il fait avec son livre, il nous laisse une partie de lui entre les mains. Un petit livre orange, « Une rose et un balai ».
Balayeur de rue
Ou cantonnier, opérateur écologique, homme de ménage en plein air, concierge de quartier, hygiéniste du trottoir, péripatéticien du char, pommeau d’un petit boulot de prolo, nettoyeur à l’aise-Blaise du balai balèze, propreur, déchétarien ordurier, égoïste philanthrope, et pour finir le valorisant « technicien de surface » forment la liste non exhaustive des termes centraux ou excentriques utilisés pour qualifier ce métier souvent admiré, peu convoité, qui n’attire pas, mais qui retient et j’en suis une preuve, parfois dénigré, mais reconnu par tous d’utilité publique.
« Il fait quoi le monsieur idiot ? » demandait ingénument à son papa rougissant un petit garçon me regardant travailler. Ce papa avait probablement dû lui enseigner que seules les personnes modérément intelligentes et forcément limitées dans leurs choix professionnels pouvaient pratiquer ce genre de gagne-pain.
Ce petit garçon n’a pas tout faux.
Idiot signifie littéralement « particulier » et il est certain que la caste des balayeurs constitue parmi les travailleurs manuels un mouvement à part, une situation à la fois en plein carrefour et en marge, une marge qui est dans ce cas précis un espace qui ne bascule pas dans la marginalité, un quart-monde ouvrier, une aristocratie inversée, mais avec particule.
C’est un travail ingrat, mais d’où la grâce n’est pas absente, qui y affleure même à tout instant. Un métier certes sale, non un sale métier, qui privilégie l’intériorité. Ethique et cosmique au sens universel contrairement à l’esthétique et au cosmétique mondain.
Un travail nécessaire qui comme tout ce qui est nécessaire n’est jamais ridicule et encore moins méprisable, qui nous « place » face à la nature et aux individus en nous apprenant à acquérir l’intelligence des situations, la déontologie de la rue et ses comportements adéquats.Un sot métier ? D’aimables personnes bien intentionnées me certifient qu’il n’y en a pas. Il y en a peut-être quand même. Mais j’ignore s’ils en méritent réellement l’appellation. Je sais seulement que balayeur de rue en est un vrai, sans CFC, mais eFFiCaCe, qui avec son char et ses outils véhicule une riche et séculaire tradition, aux résultats immédiats et toutefois de longue haleine. Un travail solitaire, mais pas isolé, où il faut bien s’entendre avec soi-même, qui autorise la méditation, pourquoi pas le rêve, à ne pas confondre avec la distraction ou l’étourderie qui peuvent alors vous mener dans la lune, même si là-haut il n’y a rien à balayer.
Tête livre et bras occupés me vont d’ailleurs mieux que l’inverse. On pense et on se dépense à la fois. Rues et places sont ma salle de fitness, mon solarium dans les beaux jours. J’y chante comme la cigale tout en y oeuvrant comme la fourmi, et à cieux ouverts pour seule limite, en ligne directe avec Notre Père. Jamais confiné, jamais bas de plafond, avec un terrain de jeu de grande superficie sans rien de superficiel, ouvert aux larges vues. On y paie de sa personne, et si le salaire, correct, est au bas de l’échelle, ne faisant pas de nous autres des besogneux, le plus gros capital amassé est… de sympathie.
Cet harmonieux équilibre d’ampleur et d’intensité, d’action et de contemplation, d’élan enthousiaste et d’habitude, de savoir-faire et de savoir-être, de relations publiques et de solitude s’étale sur une journée entière dont je vais vous relater quelques temps forts.
Genre : Roman biographique/Poésie
Nombre de pages : 133
Année : 2015
Édition : http://www.faimdesiecle.ch/
ISBN : 978-2-940422-40-1
Mon avis :
Sous le charme ! Ce petit bijou m’a été offert et c’est un merveilleux cadeau qui m’a été fait.
J’ai passé un merveilleux moment poétique avec la lecture de ce récit. Pages après pages, je me suis promenée dans Fribourg, j’ai eu le sentiment de l’accompagner dans son métier. Un métier que l’on découvre autrement, et qui nous fais poser un notre regard sur ces personnes en orange, ils deviennent moins anonymes.
Ce petit livre qui donne une couleur orangée à nos mains lorsqu’on le tient est une pépite, une leçon de vie. Merci Michel Simonet !
Un passant me dit un jour : « On devrait aimer les gens comme on apprécie ta rose : quelle que soit leur couleur. »
L’auteur :
Michel Simonet est né en 1961 à Zurich. Il passe une partie de son enfance à Morat et dès ses huit ans à Fribourg. Il obtient un diplôme commercial et étudie la théologie. C’est par choix qu’il devient cantonnier pour la ville de Fribourg.
Balayeur et fier de lettres.
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