Quatrième de couverture :

Les traces de pas dans la neige finissent toujours par disparaître, comme des souvenirs qu’on est forcé d’oublier, soufflés par le vent ou effacés par le soleil. Celles de Suzor, parti un soir de décembre 1976, n’existent plus depuis longtemps. Pourtant, Jeanne les voit encore chaque jour par la fenêtre du salon.

Pendant quarante ans, elle s’est promis de ne jamais le chercher, mais lorsqu’elle apprend qu’il est atteint d’alzheimer, sa promesse ne tient plus : elle doit retrouver Suzor avant qu’il oublie.

Dans un Montréal enneigé, aidée par une jeune complice improbable, Jeanne retracera le chemin parcouru par Suzor et devra, pour ce faire, revisiter leur passé. La famille qu’ils n’avaient pas. Leur jeunesse en solitaire. Le voyage en Russie dont elle porte encore les cicatrices. Le trou dans le mur de la cuisine. Le carnet que la petite n’avait pas le droit de lire. Les boutons trouvés sur le trottoir.

« Je ne veux pas être la seule condamnée au souvenir de nos bonheurs », dira Jeanne dans ce doux roman sur les caprices de la mémoire, sur ces choses qu’on oublie sans le vouloir et celles qu’on choisit d’oublier.

Extrait :

Je suis couchée sur le lit de Skip, là où jadis les manteaux s’empilaient en Appalaches humides, une débarbouillette froide sur le front. J’aurais aimé rester droite, encaisser la nouvelle de la maladie de Suzor comme une statue, être la debout de Skip apprécie tant. Mais les paroles de Bastien m’ont assommée et elles résonnent encore trop en moi pour que je m’invente une convenance. Alzheimer, mon Suzor, et peut-être déjà des trous dans ce qu’il sait de notre vie d’avant. J’ai la nausée.

– Vous êtes blême, Matante.
– J’imagine, oui.
– Voulez-vous un verre d’eau ?
– Avez-vous fini de me vouvoyer ? Rendu à nos âges, on est tous vieux pareil…

– On a eu peur pour vous, un moment, là. On arrivait pas à vous réveiller.
– Si c’est pour me retrouver devant du monde qui me disent pas quand Suzor est malade, j’aurais peut-être mieux de rester morte.
– On pouvait pas vous le dire. Vous nous auriez peut-être tués.
– Franchement…
– Chaque année, vous nous menacez.
– Vous le savez que c’est des farces…
– Matante… Chaque année vous insistez pour qu’on vous parle pas de lui. Même quand il est pas question de lui du tout, vous nous rappelez de rien dire. Qu’est-ce que vous vouliez qu’on fasse ?
– Que vous me le disiez quand même.
– Matante…
– J’en reviens pas, de vous autres. Et ça se dit de la famille…

Je feins la colère pour ne pas montrer ma peur. Je sais que Jean-Luc a raison, mais si je ne les engueule pas, je devrai penser à ce que je viens d’apprendre et je ne peux plus, pas tout de suite.

Je dois m’enfuir. Fourrer mes souliers dans mon sac de plastique. Enfiler mes bottes. Sentir le froid sur le pas de la porte.

– Partez pas de même, Matante…

M’enfuir.


Genre : Roman
Nombre de pages : 235
Année : 2018
Édition : Alto
ISBN : 978-2-89694-396-8


Mon avis :

J’ai une étagère remplie de livres québécois et je n’en avais pas encore lu un, mais maintenant je peux dire que ce n’est plus le cas. J’ai lu mon premier livre québécois et j’ai ADORE !

J’ai croché dès les premières pages. Touchée par cette femme quittée il y a quarante ans, un soir d’hiver. Elle a tenté de l’oublier en ne parlant plus de lui, et voilà que lui oublie qui il est. Arrivera-t-elle à le retrouver pour lui rappeler leurs souvenirs ?

Ce livre est délicat, tendre, poignant, truffé de mots et expressions québécois qui donnent à sourire ou, parfois, qui nous laissent perplexes quand on n’arrive pas à faire le parallèle avec « notre » français.

Cette première lecture québécoise m’a enchantée et je sens que ma pile québécoise va diminuer… jusqu’à mon prochain passage au Salon du livre de Genève où je camperais sur le stand du Québéc !

– Mamie ? Est-ce que ça s’arrête de faire mal, un jour ?
– Quoi ?
– La vie.
– Non. ça arrête jamais. Mais un jour tu vas trouver quelqu’un avec qui avoir mal, et tu vas comprendre que ça vaut la peine.